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Bruxelles, 19 août 2022
Sur mille naissances en Europe et en Amérique du Nord, deux cents bébés mouraient avant leur premier anniversaire. Quinze enfants sur cent ne dépassaient pas l’âge de cinq ans. Ils mourraient de fièvre, de diarrhée, d’infections, de faim, d’un rien.
On dit que les parents d’autrefois ressentaient ces pertes avec moins d’intensité que nous aujourd’hui. Que la mortalité infantile faisait « partie du décor ». Un fait. Une habitude. Une statistique. Comme si la douleur pouvait être relativisée par la fréquence.
Mais qu’en savent-ils, les historiens ? Des hommes, sans doute. Loin des corps. Loin du sang. Loin du silence des mères.
Toi, Mary, tu n’as pas regardé ta douleur comme une note de bas de page. Tu l’as portée. Jour après jour. Tu l’as écrite, noir sur blanc, dans ton journal. Une peine fine, constante. Sans cri. Mais tenace.
Jeudi 9 mars 1815
Lis et parle – pense toujours à mon petit bébé – c’est vraiment dur pour une mère de perdre son enfant – […] Lis Fontenelle La pluralité des mondes.
Et c’est ça, le deuil. Pas seulement la tristesse. Pas seulement le chagrin. C’est un vide. Immense. Un creux dans le corps, dans le cœur, dans la continuité des jours.
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