N°14 - Le berceau napolitain de Victor Frankenstein

(Vous venez d’arriver ? Ce journal se lit comme un feuilleton. Pour bien suivre l’histoire, je vous recommande de commencer par la lettre N°1 en cliquant sur le lien suivant 👉https://tinyurl.com/macreature).

Ma créature
2 min ⋅ 18/06/2025

Tunis, 2 juillet 2022

Mon petit fantôme,

Hier soir, je relisais Frankenstein. Pas pour l’histoire. Pour les détails. Ceux qu’on ne voit pas la première fois. Ni la deuxième. Ni la cinquième.

Et puis, ça m’a sauté aux yeux. Juste là, en ouverture du chapitre I :
« Je suis Genevois de naissance, et ma famille est l’une des plus distinguées de la République. »
Ok. Rien de nouveau. Il vient de Genève. Cest ce que jai toujours cru.

Mais quelques lignes plus bas, sans prévenir :
«Quant à moi, laîné, je vis le jour à Naples. »

Pardon?

Je crois à une erreur. Je retourne en arrière. Je vérifie. Dans l’édition de 1818, rien. Pas un mot sur Naples. Ce détail n’existait pas encore.

C’est Mary qui l’a ajouté plus tard, dans la version de 1831.

Si Naples avait été là dès le départ, j’aurais pu croire à un choix de plume. Un lieu parmi d’autres. Un nom qui sonne bien. Une touche d’exotisme. Une ville du Sud. Éclatante. Délabrée. Plein de superstitions et de saints poussiéreux.

Mais là… Non.
Ce n’est pas un hasard.
C’est une décision.
Un geste tardif.

Alors pourquoi ce changement ?
Pourquoi faire naître Victor à Naples, quinze ans après l’avoir fait naître à Genève?
Une fantaisie ?
Un détail sans importance ?
Ou un souvenir enfoui?

Ma créature

Par Arnaud Dandoy

Je m’appelle Arnaud Dandoy. Je suis criminologue au Muséum d’Histoire Surnaturelle, aussi appelé Surnateum — un cabinet de curiosités dédié aux formes anciennes de magie, aux savoirs occultés, aux forces invisibles qui traversent nos civilisations depuis l’aube des temps. Mon métier : élucider des affaires. Certaines trouvent une explication rationnelle. D’autres non.

Ce qui m’attire, ce sont les connaissances interdites. Les mythes. Les légendes. Les superstitions. Tout ce que l’humanité a refoulé, mais jamais oublié. J’enquête dans des univers parallèles, des marges, des zones grises. À la frontière du réel.

De 2013 à 2020, j’ai vécu en Haïti. J’y ai étudié les processus de zombification. J’ai suivi la trace des lougawou — les loups-garous du monde créole. Depuis cinq ans, je vis en Tunisie. J’y poursuis une autre obsession : la possible localisation de l’Atlantide. Une cité engloutie. Un vestige enfoui.

Mais récemment, une autre affaire s’est imposée à moi. Une disparition ancienne. Celle d’une petite fille nommée Elena Adelaïde Shelley, morte à Naples en 1820. Une énigme discrète. Presque oubliée. Et pourtant centrale.

C’est cette enquête que je raconte ici. Une affaire qui m’a conduit dans l’ombre du monstre de Frankenstein. Et peut-être jusqu’à moi-même.