N°11 - Tu m’as rejeté. Alors je te rends le vide

(Vous venez d’arriver ? Ce journal se lit comme un feuilleton. Pour bien suivre l’histoire, je vous recommande de commencer par la lettre N°1 en cliquant sur le lien suivant 👉https://tinyurl.com/macreature).

Ma créature
2 min ⋅ 13/06/2025

Tunis, 13 juin 2022

Je suis en train de dévorer Frankenstein. Waouw. Quelle claque !

Je ne suis pourtant pas un grand fan de science-fiction, mais là j’ai adoré. Mary Shelley a du génie. Tu t’imagines qu’elle n’avait que 18 ans quand elle a écrit cette histoire ?

Et je me faisais une autre image de la bête. Massif. Balafré. Des vis dans le crâne. Des grognements gutturaux. Une brute. Sans langage. Juste des gestes. Juste la force.

Mais c’est tout l’inverse.

La créature est éloquente. Cultivée. Presque un philosophe. Elle lit. Elle raisonne. Elle parle mieux que Victor. Elle comprend. Elle souffre. Ce n’est pas un tueur aveugle. Rien à voir avec l’image plaquée par le cinéma. Pas de massacre gratuit. Pas de folie meurtrière.

Son crime est plus précis. Plus douloureux. Il ne frappe pas au hasard. Il détruit tout ce qui compte pour Victor. Un à un. Il s’attaque à sa maison. À ses proches. À son monde. Pas pour tuer. Pour répondre. Pour dire : tu m’as rejeté. Alors je te rends le vide. Le manque. La perte.

Et c’est ça qui fait peur.
Pas les cicatrices.
Pas les hurlements.

Le regard.
La conscience.
La solitude.

Illustration by Theodor von Holst from the frontispiece of the 1831 editionIllustration by Theodor von Holst from the frontispiece of the 1831 edition

Ma créature

Par Arnaud Dandoy

Je m’appelle Arnaud Dandoy. Je suis criminologue au Muséum d’Histoire Surnaturelle, aussi appelé Surnateum — un cabinet de curiosités dédié aux formes anciennes de magie, aux savoirs occultés, aux forces invisibles qui traversent nos civilisations depuis l’aube des temps. Mon métier : élucider des affaires. Certaines trouvent une explication rationnelle. D’autres non.

Ce qui m’attire, ce sont les connaissances interdites. Les mythes. Les légendes. Les superstitions. Tout ce que l’humanité a refoulé, mais jamais oublié. J’enquête dans des univers parallèles, des marges, des zones grises. À la frontière du réel.

De 2013 à 2020, j’ai vécu en Haïti. J’y ai étudié les processus de zombification. J’ai suivi la trace des lougawou — les loups-garous du monde créole. Depuis cinq ans, je vis en Tunisie. J’y poursuis une autre obsession : la possible localisation de l’Atlantide. Une cité engloutie. Un vestige enfoui.

Mais récemment, une autre affaire s’est imposée à moi. Une disparition ancienne. Celle d’une petite fille nommée Elena Adelaïde Shelley, morte à Naples en 1820. Une énigme discrète. Presque oubliée. Et pourtant centrale.

C’est cette enquête que je raconte ici. Une affaire qui m’a conduit dans l’ombre du monstre de Frankenstein. Et peut-être jusqu’à moi-même.