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Bruxelles, 22 août 2022
Mon petit fantôme,
Je voulais juste savoir qui c’était, ce Hogg, dont Mary parle souvent dans son journal. Un nom qui revenait, presque en sourdine.
Alors j’ai cherché. J’ai lu. Thomas Jefferson Hogg. C’est un ami de collège de Percy. Un homme un peu gauche, mais présent. Surtout : présent. Là, quand Percy ne l’était pas. Là, quand Mary avait besoin d’un point fixe dans un monde qui s’effondrait.
C’est vers lui qu’elle se tourne après la mort de leur fille. Ce n’est pas Percy qu’elle appelle. C’est Hogg.
Mon très cher Hogg, mon bébé est mort – peux-tu venir me voir dès que possible ? J’ai besoin de te voir. Il était parfaitement bien quand je me suis couchée. Je me suis réveillée dans la nuit pour l’allaiter, mais il semblait dormir si paisiblement que je n’ai pas voulu le réveiller. Il était déjà mort, mais nous ne nous en sommes rendu compte qu’au matin. À en juger par son apparence, il est mort de convulsions… Viens, je t’en prie – tu es une personne si calme, et Shelley craint que je ne tombe malade à cause du lait – car je ne suis plus une mère désormais.
La dernière phrase me serre le cœur. Je ne suis plus une mère désormais.
Je lis Mary et je m’interroge sur moi. Sur ce que je suis capable d’apporter à ta maman. Est-ce que je suis là ? Vraiment là ? Ou juste autour, à graviter ?
Est-ce que je suis Hogg ? Est-ce que je peux l’être ?
Ou est-ce que je vais finir par ressembler à Percy, absorbé par autre chose, incapable d’être présent au milieu du vide ?
Hogg, lui, tente quelque chose.
Il l’emmène au zoo.
Un geste maladroit, peut-être. Mais un geste quand même.
Ils marchent entre les cages. Elle observe les fauves. Un lynx. Une hyène. Un lion. Celui dont le rugissement portait jusque dans les rues de son enfance. Deux mois plus tard, le lion est mort.
Et Mary a pleuré.
Pour un animal.
Mais en vérité, c’était pour elle.
Pour ce qu’elle avait perdu.
Et moi, je comprends ça.
Cette tristesse qui se déplace. Qui trouve refuge dans d’autres chagrins plus acceptables. Plus simples à raconter.
Alors je continue à lire.
Et j’apprends.
Ce que c’est que d’être là.
Pas parfait. Mais là.
...