(Vous venez d’arriver ? Ce journal se lit comme un feuilleton. Pour bien suivre l’histoire, je vous recommande de commencer par la lettre N°1 en cliquant sur le lien suivant 👉https://tinyurl.com/macreature).
Tunis, 4 juillet 2022
Mon petit fantôme,
Tu ne sais pas ce que j’ai trouvé en cherchant sur internet.
Je voulais savoir s’il y avait un lien, même minime, entre Mary et Naples. Alors j’ai fouillé. J’ai tapé tous les mots-clés possibles.
Je cherchais des indices. Je me suis mis à traquer tout ce qui pouvait relier la fiction au réel. Parce que je sais que Mary s'est inspirée de ses voyages pour nourrir ses histoires. Elle piochait dans ce qu’elle vivait. Ce qu’elle voyait. Ce qu’elle ressentait. Rien n’était jamais anodin.
Le premier meurtre du monstre, par exemple, a lieu à Plainpalais, à Genève. Un quartier qu’elle connaissait très bien. Elle y avait vécu. Tout comme Chamonix, où elle place la grande confrontation entre Victor et sa créature. Mary, Percy et Claire y ont voyagé fin juillet 1816. Ils ont traversé la vallée ensemble, juste après leur séjour à la Villa Diodati. Elle a vu ces paysages. Elle a marché dans cette neige d’été, entourée de pics. Elle savait exactement où placer la scène.
C’est là que j’ai découvert que Mary, après la publication du roman, avait voyagé en Italie. Venise, Rome, et… Naples. Elle y a séjourné plusieurs mois.
Est-ce que le changement de lieu de naissance de Victor, ce déplacement discret dans le texte entre Genève et Naples, est un clin d’œil à ce qu’elle a vu là-bas — et qu’elle n’a jamais pu raconter autrement ? Un glissement presque imperceptible, mais révélateur. Un souvenir transposé.
Peut-être est-ce lié à son amour nouveau pour l’Italie. Dans la version de 1831, il y a cet autre détail. Victor et Elizabeth ne partent plus à Cologny, sur les rives du lac de Genève, pour leur lune de miel. Ils vont au lac de Côme. Plus au sud. Plus proche de cette Italie qu’elle venait de traverser. Un autre décor. Un autre imaginaire. Plus chaud. Plus vivant.
L’Italie s’est glissée dans l’histoire. Comme un fantôme de voyage. Comme un souvenir qu’on réécrit, sans le nommer.